Charivari

Julien Carpentier, 2021

Le rôle du bouffon dans les pièces baroques est d’en savoir plus que tout le monde, et de faire parler les choses par le pouvoir supérieur de la grimace: en tant que mélancolique absolu, il n’a pour seul divertissement que de ruiner les apparences.

Walter Benjamin, “ Origine du drame baroque allemand ”, op. cit., p.249.

“Ma position d’artiste-bouffon, je l’utilise pour raturer, pour réécrire, pour dessiner des oreilles de lapin sur le visage de la société de contrôle dans laquelle nous évoluons, comme on le ferait sur la couverture d’un vieux magazine. Je convoque des formes militantes dans mes travaux plastiques, comme le carnaval non commercial et son charivari, tel que je l’ai connu dans mon village, avec ses géants; comme la rave; comme tous les mouvements qui amènent les questions de réappropriation collective d’un espace public lisse, normé, cadré. Ce que je souhaite, c’est construire des situations festives, pensées comme des espaces d’échanges inclusifs et éphémères. Trouver de nouvelles formes plastiques et conceptuelles pour ce néo-carnaval, d’avoir un temps consacré à l’élaboration et la monstration de nouveaux récits.
Je fais du bruit. Je compile, j’arrange, j’associe des objets, des actions; j’envoie voler contre les murs, je joue, je ris. Je produis des intensités, je produis des ambiances. On les retrouve sous la forme de performances, de vidéos, de happenings, que j’imagine à chaque fois comme de courts spectacles, comme un condensé d’actions simples qui se télescopent pour former une narration. J’aime les célébrations populaires, du carnaval à la rave party en passant par le pink bloc; alors je me déguise, je me mets en scène comme un transformiste/performer, j’utilise le calembour et la plaisanterie comme un moteur narratif et plastique; mais surtout : je fais du bruit. J’aime les éruptions/irruptions; j’aimerais être la fanfare dans une pièce de Charles Ives. Je compile les idées, les objets et même souvent les mots; comme un DJ produit un mash-up, un bootleg. Je fais des va-et-viens, je m’agite, je me fatigue, je produis à perte. Tout ou presque est éphémère, rapide, tout est intense, il ne reste que les cotillons et les ballons crevés. Mais quelque chose résonne encore, quelque chose qui résulte de cette dépense. C’est de l’hybridation nécessairement chaotique de ces postures, de ces médiums, de ces souvenirs, de ces gimmicks que j’extrais mon travail. Je voudrais être intense, intense à base de T.A.Z .”

CHARIVARI !

“Une partie de mes recherches s’effectue sous un pseudonyme : Knut Vandekerkhove. C’est un alter-égo, un méta-personnage, une autre farce de transformiste. Mes recherches plastiques se font sous mon nom, tandis que je réserve ma musique à Knut. Néanmoins, le deux amis schizophrènes collaborent toujours, en cachette. C’est pourquoi vous retrouverez toujours la patte de l’un, chez l’autre; et, surtout, les mots de l’un dans la bouche de l’autre.”

Julien Carpentier est accompagné dans le cadre du programme Curriculum Chromé

“CHARIVARI !”