VILLAGE VILLE
Julien Openheim
Qu’est-ce qui constitue un village ? La proximité et l’ouverture? La solidarité de ses habitant.es ? L’étroitesse des ruelles ? La présence d’une église en son centre ?
J’ai grandi à Puyloubier, deux mille habitant.es à l’époque, village provençal lové au pied de la Sainte-Victoire. Cette vie de village me constitue, m’habite, m’émeut. L’émotion que je ressens quand je retourne aujourd’hui dans « mon village » vient à la fois des souvenirs de mon enfance qui y sont attachés (la cour de l’école, la kermesse devant la mairie, l’odeur des vendanges, le chemin du stade, l’emplacement de l’épicerie disparue) que d’un environnement visuel plus évanescent : les bancs publics en métal troué, l’ombre des arbres sur les places, la pente des ruelles, la couleur du ciment vieilli des façades, les escaliers en pierre de quelques marches devant l’entrée des maisons, la nature sauvage entre les murs, les portes ouvertes, les casques posés sur les motos, le linge dans la rue. Et ce sentiment, également, d’une architecture qui fait corps, avec des bâtiments qui se serrent les uns contre les autres, qui se supportent mutuellement, pour créer un ensemble qui de loin, paraît d’un seul tenant, une seule entité. Le village des Crottes est un village typique de Marseille, un village phagocyté par la ville, un village en ville, un village de ville. C’est un aussi un lieu en mutation, encerclé par les nouveaux bâtiments du projet Euroméditerrannée. Le village lui-même est appelé à être restauré, ses rues redessinées, ainsi que ses places. C’est enfin un lieu des quartiers nord de Marseille, parmi les plus pauvres d’Europe. Les habitant.es parlent du village, ils habitent le village, ils aiment leur village. Mais ce visage existe t-il ?
Julien Oppenheim – Septembre 2022